Pratyahara (le retrait des sens), 5ème pilier du yoga

Pratyahara, le 5ème membre du yoga, est le pont, le lien entre les membres du yoga dits externes (bahiranga) donc les 4 premiers (yama, niyama, asana, pranayama) et les membres dits internes (antaranga) donc les 3 derniers (dharana, dhyana, samadhi).

Pratyahara est généralement traduit par le retrait des sens. Dans la société contemporaine, nos 5 sens (vue, odorat, goût, ouïe et toucher) sont stimulés en permanence. Et plus ils sont stimulés, plus ils recherchent de nouvelles stimulations. Ils sont attirés en permanence vers l’extérieur par les choses matérielles, et cette incessante recherche de nouvelles stimulations entraîne non seulement une incapacité à distinguer envie et besoin, mais également une incapacité à rester dans le moment présent (car la recherche permanente de plaisirs extérieurs amène à une projection dans un futur « supposé » et donc une frustration qui engendre des souffrances).

La traduction littérale du mot Pratyahara permet de bien comprendre cela. « ahara » signifie « nourriture », pratyahara veut donc dire « se retirer de ce dont on se nourrit ». Cela s’applique aux organes sensoriels, il s’agit donc du retrait des 5 sens cognitifs de leurs objets, quand les sens s’abstiennent de se nourrir de leurs objets.

On va donc chercher à retirer l’attention des sens en la dirigeant vers l’intérieur. Et c’est en dirigeant notre attention non plus à l’extérieur (on ne laisse plus nos sens attirer notre attention vers l’extérieur) mais en la dirigeant à l’intérieur que nous allons protéger notre mental de toute agitation d’origine extérieure afin de l’apaiser, de le calmer.

Pratiquer Pratyahara, c’est donc une écoute attentive active mais sereine de ses perceptions internes.

La pratique des asanas et du pranayama nous y prépare. Vous avez peut-être déjà entendu en début de cours « Prenez un peu de recul par rapport au monde extérieur, retournez le regard à l’intérieur et observez ce qu’il se passe à l’intérieur ». La pratique physique développe notre conscience corporelle, on apprend à prendre conscience de notre corps petit à petit, mais de façon de plus en plus subtile, en étant attentif à ce que l’on ressent à l’intérieur physiquement (le ressenti kinesthésique) dans chaque posture. Elle nous permet également d’ajuster notre respiration à nos mouvements, de respirer en pleine conscience. La conscience ne s’alimente plus des stimuli en provenance du monde extérieur mais de la perception de notre ressenti intérieur corporel. Les asanas, en monopolisant toute notre attention, nous amènent à nous extraire du monde extérieur pour nous focaliser sur notre intérieur. C’est en cela que l’inhibition sensorielle est une phase de la progression naturelle vers une intériorisation toujours plus grande en yoga, et que Pratyahara nous amène vers les 6ème et 7ème pilier du yoga Dharana (la concentration) et Dhyana (la méditation), en « protégeant » le mental de toute agitation d’origine extérieure afin de l’apaiser.

Si nous y réfléchissons bien, on se rend compte que nous avons tous déjà pratiqué Pratyahara dans notre quotidien sans même s’en rendre compte. Par exemple, lorsque nous lisons un livre qui nous passionne. Nous sommes tellement absorbés par celui-ci que nous faisons abstraction de l’environnement. Les bruits environnants sont présents, mais nous sommes si concentrés que nous ne sommes pas distraits par les stimulations extérieures, ils ne nous dérangent pas. Et nous cessons donc d’être contrôlés par nos sens.

Comment pratiquer Pratyahara, le retrait des sens, l’écoute intérieure ?

Plusieurs techniques existent, mais elles se rapportent toutes à concentrer son mental sur quelque chose puis l’empêcher de se laisser distraire par des stimuli extérieurs, de résister à la tentation des sens de nous éloigner de notre concentration, de manière à empêcher le mental de vagabonder. Cela peut être un « scan corporel », la respiration, la sensation de lourdeur du corps simultanée à la détente musculaire, les surfaces d’appui du corps sur le tapis, la perception d’images… On devient observateur, avec une attitude de témoin, comme un observateur extérieur. C’est ce que l’on appelle drashta en sanskrit. On reste en éveil, attentif à toutes les perceptions MAIS on ne laisse pas le mental commenter ou juger, c’est-à-dire qu’aucun processus de questionnement ou de réflexion ne doit être enclenché vis-à-vis de ces perceptions, qu’elles soient corporelles ou mentales, agréables ou désagréables… on observe, on en est le témoin (la conscience) mais on les laisse passer. Elles viennent, elles passent et elles se dissipent sans qu’on en soit altéré, que ce soient des perceptions corporelles, ou des émotions, des sentiments… On prend de la distance par rapport à eux, on ne s’identifie pas à eux, on les observe simplement, en témoin, en spectateur conscient et attentif (une « observation objective »). On s’ancre alors fermement dans le présent, ce qui calme les fluctuations du mental (ces pensées incessantes, énergivores et dépourvues de réalité tangible) et l’apaise.

Pour aller un peu plus en détails, cela nous permet en fait d’apprendre à ressentir et à faire la différence entre les perceptions temporaires, momentanées, éphémères et la conscience de ces perceptions qui, elle, constitue véritablement la réalité du soi (notre centre, notre moi profond, sans le conditionnement de notre cerveau par notre vécu, ce que certains appellent l’âme et qu’en yoga on nomme esprit ou purusha). On apprend ainsi à se connaître et s’accepter tel que l’on est (auto-observation et auto-acceptation). Et petit à petit vient le détachement de l’ego, le détachement de ce que l’on croît important mais qui en fait n’est qu’illusoire, momentané ou anticipé. On comprend alors que rien n’est permanent, et c’est grâce à la compréhension de cette impermanence que naît la conscience du moment présent ; et avec assez de détachement, la satisfaction de ce moment présent. On arrête alors de s’imaginer tel que nous voudrions être et on accepte de se voir tel que nous sommes. La pratique de Pratyahara est le moment si agréable où le bavardage incessant du mental, l’agitation intérieure s’arrête, et où le silence intérieur naît de lui-même lorsque toute lutte interne a cessé. Le mental libéré de ses fluctuations s’apaise et on atteint un état de calme intérieur, de plénitude nous procurant un sentiment de bien-être et de sérénité.

La maîtrise de Pratyahara nous conduit vers les étapes (ou piliers ou membres) suivantes du yoga c’est-à-dire Dharana (la concentration), Dhyana (la méditation) et Samadhi (la Réalisation de soi, l’Extase) où l’on s’éloigne de plus en plus du monde extérieur et matériel pour se diriger vers des expériences intérieures et de plus en plus subtiles.

Pratyahara se pratique toujours à la fin des séances de yoga lors de la relaxation finale. Alors…. tous sur vos tapis !!! 😊

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6 réflexions au sujet de « Pratyahara (le retrait des sens), 5ème pilier du yoga »

  1. Félicitations pour ce très bel article Carole-Anne… Il donne envie de pratiquer comme tes cours d’ailleurs mais la motivation n’est pas encore présente pour le faire seule donc vivement jeudi sur les tapis 😉

    • Merci Valérie pour ton soutien et ton enthousiasme qui me font toujours du bien et me motivent. A jeudi avec plaisir pour une belle séance de printemps 😊🙏

  2. Très bel article, ce n’est pas évident de trouver des explications sérieuses sur pratyahara, le membre le plus mal compris du yoga à mon avis.

    • Merci beaucoup Amrit pour votre commentaire🙂… qui me fait très plaisir car j’essaie au maximum de vulgariser, de rendre accessible les bases du yoga pour les novices, et leur donner envie d’aller plus loin sur leur chemin du yoga
      🙏🏻

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